L’Évaluation Avant/Après


Évaluer est une chose autrement plus complexe qu’il n’y parait. Généralement, la perception que nous avons de ce processus en est une extérieure (ayant été l’apprenant plus souvent que le maitre dans bien des cas) et surtout, une d’avant réforme qui se base sur la compétitivité et la méritocratie. La réforme de l’éducation, qui s’instaure depuis environ une décennie au Québec, en est une qui veut déconstruire cet esprit de compétition malsain qui plane au-dessus de l’évaluation (et au sens large, de l’éducation) dans nos écoles. La raison en est bien simple, l’évaluation telle que nous la connaissions a fini, au fil des ans, par créer un climat nuisant à la coopération et une culture de l’échec qui est sans contredit l’un des facteurs contribuant au taux de décrochage actuel de notre système d’éducation.

Les finalités d’une évaluation comme la plupart d’entre nous l’ont connu étaient simples : elle était purement mathématiques et illustrait la moyenne des connaissances acquises sur quatre étapes d’une année scolaire classique. Elle ne tenait ni compte de l’amélioration de l’apprenant, pas plus qu’elle ne tenait compte de la capacité de transfert, de l’appropriation de la matière ou encore du développement de compétences concrètement lié à une matière quelconque. L’évaluation qu’ont connue les jeunes fréquentant le système éducatif québécois avant le début du XXIe siècle ne faisait que refléter une moyenne mathématique de notes compilées. Vous échouiez vos deux premières étapes pour ensuite connaitre deux étapes de fin d’année remarquable? Vous obteniez une note moyenne, même si au final, vous étiez passé maitre dans une matière qui à prime à bord vous était incompréhensible. Votre échec vous suivait et vous deviez faire bien attention à ne pas cultiver cet échec, car on vous le rappelait où que vous étiez rendu dans votre cursus scolaire.

Ce tableau peu sembler cynique et sombre, mais représente néanmoins de façon à peine caricatural le mécanisme d’évaluation auquel nous avions affaire il y a quelques années. Avec le nouveau programme de formation de l’École québécoise, les visées de l’évaluation ont évolué vers quelque chose d’axé davantage sur la régulation, permettant l’amélioration et la rétroaction de façon beaucoup plus constructive et surtout d’avoir un impact qui se veut positif sur la motivation scolaire afin de combattre la démotivation scolaire et le décrochage. Désormais, on préconise au MELS une approche qualitative et même descriptive à une production de résultats quantitatifs. L’objectif est d’amener l’étudiant à cerner ses forces et faiblesses dans une optique de développement des compétences. L’évaluation doit désormais être intégrée à l’apprentissage et donc constante pour qu’à travers la collecte d’informations, l’enseignant soit capable d’illustrer à l’élève ce qu’il maitrise et ce sur quoi il doit axer ses efforts de développement. Il ne s’agit plus d’illustrer des échecs et des réussites (du noir ou du blanc), mais d’illustrer des différents degrés (des nuances) de force et de faiblesses afin d’aider à l’autorégulation de l’élève au courant de ses apprentissages pour l’amener à un degré de maitrise optimal à la fin de son cycle. Cette façon de présenter les choses peut sembler purement théorique et sans différence concrète, mais prenons un conte intitulé « Mon cher Fred, c’est à ton tour… ». Dans ce conte, un jeune homme de 15 ans peu porté vers l’école, mais qui, comme pratiquement tous les jeunes, aime apprendre, se tourne vers son grand-père pour découvrir le métier d’ébéniste. Les premières tentatives de Fred sont vouées à l’échec (enfin, c’est ainsi qu’il les perçoit), mais son grand-père lui, portait davantage son attention vers ce que faisait de bien son petit fils et l’incitait tout en lui donnant quelques conseils à tenter sa chance à nouveau. Fred, d’abord prêt à jeter l’éponge se laissait convaincre de poursuivre ses tentatives et mettait en application, un essai à la fois, les petits ajustements que son mentor lui proférait, s’améliorant un peut plus à chaque fois. Néanmoins, Fred n’atteignit pas la « perfection » en quelques essais et pour cette raison, il était convaincu d’échouer. Triste constat pour son grand-père, mais aussi pour nous qui s’intéressons à l’évaluation.[1]

Ce que tente d’illustrer ce conte c’est la culture de l’échec que prône l’école. L’absence de considération de celle-ci pour l’amélioration, l’investissement et l’effort. Le grand-père de Fred a donc saisi quelque chose que notre système éducatif lui, n’a pas encore compris : le rôle d’un mentor est bien celui de guide et de conseiller, d’aide à la régulation et non d’évaluateur d’échec et de transmetteur directif de connaissances. Les finalités de l’évaluation doivent donc être axées autour de ce concept de régulation (pour l’enseignant qui s’ajuste lui-même et aide l’étudiant dans sa démarche), mais aussi d’autorégulation pour l’élève qui transforme l’évaluation en outil d’apprentissage en usant d’autoévaluation, de métacognition et de la réflexion. Définitivement, ces nouveaux objectifs tranchent avec ce qui était pratiquement avant et la déconstruction des mécanismes d’évaluation qui se trouvaient au cœur de l’école avant n’est pas chose facile pour les acteurs concernés, il faut donc faire preuve de persévérance, de continuité et permettre aux enseignements de recevoir la formation continue nécessaire à l’application de ses nouvelles méthodes qui permettront aux jeunes du Québec d’être mieux outillé au siècle qui s’annonce.


[1] Pages 69-70, l’Évaluation des apprentissages. Durand et Chouinard.

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