L’épreuve unique en HÉC : quelques constats

La mise en place de l’épreuve unique pour la sanction du cours d’Histoire et d’éducation à la citoyenneté (HÉC) de quatrième secondaire s’est parachevée en juin 2013 par l’implantation d’une version officielle de l’examen. Nous en proposerons ici une brève analyse en regard de ses objectifs principaux, tels que définis par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Nous ne prétendons pas présenter une synthèse exhaustive de l’examen, mais plutôt des pistes de réflexion en vue d’un débat plus large sur la forme, les contenus et la place de l’épreuve au sein du cursus d’HÉC.

Pour commencer, précisons que selon le MELS, l’utilisation d’une épreuve unique à la grandeur de la province a pour objectif de conférer la même valeur au diplôme de tous les élèves du Québec (MELS, 2013). Le ministère est ainsi responsable de rédiger et construire une épreuve évaluant les acquis du parcours en HÉC. Pour l’épauler dans ce travail, le MELS est assisté par des enseignants(es) et des conseillers(ères) pédagogiques. Soulignons aussi que, contrairement aux épreuves de sciences, de français et de mathématiques, l’examen en histoire n’est pas corrigé par le MELS, mais plutôt par les enseignants au niveau local.

Selon le document d’information sur l’épreuve unique de quatrième secondaire, l’examen évalue le critère utilisation appropriée des connaissances, par l’entremise des questions à réponses courtes ainsi que le critère rigueur du raisonnement par l’entremise de la question à développement (MELS, 2011). De plus, les opérations intellectuelles sont évaluées par les questions à réponses courtes et se répartissent de façon inégale dans l’évaluation. Par exemple, on attribue 1 point à l’opération établir des faits et 3 points aux opérations établir des liens de causalités ainsi que caractériser l’évolution d’une société (MELS, 2011). À la vue de notre analyse, le choix et la répartition du poids attribué aux différentes opérations intellectuelles nous semblent arbitraires ou difficiles à justifier.

À cet égard, notre analyse préliminaire nous laisse penser que les opérations intellectuelles sont présentes, du moins en partie. Toutefois, il nous semble que les questions ciblent parfois mal les différentes opérations ce qui remet en cause la validité de l’évaluation proposée. Enfin, malgré les affirmations du MELS, nous constatons une présence proportionnellement plus importante de certaines opérations intellectuelles au détriment d’autres.

Nous nous pencherons maintenant de manière plus approfondie sur la nature des questions et la forme de l’épreuve unique.

Nature des questions de l’épreuve unique en histoire de quatrième secondaire

L’examen ministériel de quatrième secondaire en histoire est structuré en 22 questions (21 questions documentaires et 1 question à développement) qui couvrent une partie de l’histoire nationale. Pour avoir une idée précise de l’ampleur des contenus impliqués, il faut se référer à la progression des apprentissages qui contient l’ensemble des savoirs potentiellement évalués lors de cette épreuve.

En théorie, l’élève doit se référer, pour chacune des 21 premières questions, au dossier documentaire. Une brève analyse de ce dossier fait rapidement ressortir quelques problèmes. D’abord, le dossier documentaire propose peu de sources premières. Par ailleurs, les sources présentes font souvent moins de quelques lignes ce qui amène nécessairement l’élève à faire du repérage et de la transcription, car il lui est difficilement possible de mobiliser les euristiques de l’histoire pour analyser des sources qui ne sont ni premières, ni des extraits suffisamment étoffés pour en tirer autre chose que ce que la question en exige. Finalement, il est important de savoir que les questions elles-mêmes ne demandent pas d’analyser les documents. Elles n’invitent qu’à ce qu’ils soient consultés afin de :

A) en évaluer la compréhension;

B) les associer à des concepts précis ou

C) les classer dans un tableau ou sur une ligne du temps.

Cet exercice peut être valable dans deux contextes, soit (1) dans un examen de compréhension de texte ou (2) dans un examen d’évaluation de connaissances précises (p.ex. « Lisez le document X et identifiez le mouvement de pensée auquel il se rapporte. »). Si on garde en tête les visées du PFÉQ ainsi que les balises et attentes que mets en place le programme de 2006, on serait dans le tord de réduire le travail en histoire à un exercice de lecture, tout comme on le serait en limitant le travail des documents à la sélection du « bon document » dans un cadre donné.

La question à développement, elle, demande d’expliquer un phénomène historique (mouvement migratoire à une époque donnée, p. ex.) et identifie trois catégories de changements, explicitement donnés dans la question. L’élève, à l’aide d’une section documentaire, doit cerner les causes de ces changements et les expliquer en appuyant les faits. Il peut utiliser un plan schématisé (fourni dans le cahier d’examen) et rédiger un brouillon (aussi disponible), mais ne sera évalué que sur la production finale (le propre). Le premier aspect problématique de cette question nous a semblé être la grille d’évaluation qui a de la difficulté à appuyer adéquatement le travail de l’enseignant. Dans certains cas, les enseignants semblent ne pas respecter (ou ne pas comprendre) la façon dont les points doivent être accordés. Dans d’autres cas, on semble donner un certain nombre de points (/12) en fonction d’un jugement en dehors des balises fournies. Ensuite, la question n’évalue pas l’usage ou non des documents (aucune citation nécessaire) et n’accorde pas de place aux interprétations divergentes de l’évènement historique, principalement en raison du nombre limité de documents fournis, mais aussi en raison de la structure de la question elle-même. La question peut donc donner l’impression que le travail de l’historien se résume à correctement interpréter des documents, sans considérer la nature de ceux-ci, l’importance de la citation, la perspective adoptée et l’importance de l’argumentaire dans une explication historique (voir Monte-Sano à ce sujet : Beyond reading comprehension and summary: learning to read and write in history by focusing on evidence, perspective and interpretation).

Réaction d’un groupe d’enseignants en formation universitaire

Une discussion menée au sein d’un groupe d’enseignants en formation nous a permis de confirmer nos impressions. En somme, il ressort que les compétences sont peu évaluées, que les documents ainsi que les opérations intellectuelles sont artificielles et finalement que l’examen semble en contradiction avec le PFÉQ. Bien entendu, tous ne s’entendent pas sur les finalités que le cours d’HÉC devrait poursuivre au deuxième cycle, mais le fait que l’évaluation ministérielle de quatrième secondaire contraste avec ce que le programme met de l’avant s’impose comme une incohérence.

En guise de conclusion

Les opérations intellectuelles et l’usage des documents semblent parfois plaqués à l’examen comme un faux fini plutôt que de servir de charpente. Ajoutons à cela les difficultés associées au langage, aux concepts et au temps qu’éprouvent les élèves pour terminer le portrait. Ces constats nous amènent à nous questionner, comme chercheur, professionnel ou étudiant, sur la valeur de cet examen standardisé ainsi que sur sa pertinence. La quantité de contenus susceptibles de se retrouver à l’examen ainsi que la prépondérance des savoirs factuels au profit des compétences posent plusieurs problèmes et orientent la pratique des enseignants dans une avenue différente de celle proposée par le PFÉQ. Si cet examen documentaire veut réellement en être un, il apparait nécessaire de repenser la substance des documents et la nature des questions. Par ailleurs, l’ensemble de notre analyse nous amène à poser la nécessité d’une réflexion scientifique plus étendue. De plus, puisque le gouvernement du Québec vient de lancer des consultations sur les programmes d’histoire, ce questionnement refera immanquablement surface.

enseignement de l'histoire nationale

Billet rédigé en collaboration avec Alexandre Joly-Lavoie

Références :

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2013a). Examen et épreuves. Québec, [En Ligne]. Site consulté le 18 novembre 2013. http://www.mels.gouv.qc.ca/enseignants/references/examens-et-epreuves/

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2011). Épreuve unique : document d’information. Québec, [En Ligne]. Site consulté le 18 novembre 2013. http://www.mels.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/publications/EPEPS/Formation_jeunes/Programmes/DocInfoEpreuve_HistoireEducCitoy_4eAnneSec_f_1.pdf

Monte-Sano, C. (2011). Beyond Reading Comprehension and Summary: Learning to Read and Write in History by Focusing on Evidence, Perspective, and Interpretation. Curriculum Inquiry, 41(2), 212–249. doi:10.1111/j.1467-873X.2011.00547.x

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