Évaluation du matériel didactique en histoire

Véritable symbole de ce qu’est un outil d’apprentissage, le manuel scolaire (version papier) est probablement en voix de devenir un anachronisme sur les bureaux des élèves. Malgré le fait que les écoles intègrent progressivement les tablettes d’Apple dans leur démarche éducative et que la numérisation des ouvrages est en augmentation, les questions proprement pédagogicodidactiques lorsqu’on évalue le matériel demeurent essentiellement les mêmes. La qualité d’un outil d’apprentissage ne se limite pas à la qualité de l’iconographie qu’il propose ou encore à la clarté et « l’exactitude » des propos qu’il avance. Le rapport ministériel de 2012-2013 du Comité-conseil sur l’évaluation des ressources didactiques (CCERD) établit 6 critères d’évaluations pédagogiques de ressources didactiques (1) qui, bien qu’incluant les éléments précédemment nommés, visent aussi à assurer le respect de l’esprit et des visées du PFÉQ, la nature de la démarche pédagogique ainsi que la possibilité d’évaluer dans un esprit de développement des compétences. Par ailleurs, le document suggère d’autres critères (de nature socioculturelle) comme la juste représentation des minorités et l’égalité dans les rapports hommes-femmes.

Notons qu’en 2006, Marc-André Éthier soulève dans une recherche exploratoire qu’il faut actualiser les manuels en ayant pour objectif de

« surmonter la contradiction entre les visées officielles et leurs résultats probables, il serait profitable de produire des manuels comportant de nombreuses sources et des guides proposant une démarche réflexive, active, synthétique et historique en rapport avec un savoir ouvertement construit, personnalisé et syncrétique, portant sur une variété d’actes politiques, et soulignant la pertinence, l’utilité et le sens de ce savoir. » (2)

Ce constat soulève dès lors la nécessité de considérer, d’une part, la qualité de la transposition didactique des savoirs au sein des ouvrages que l’on soumet à nos élèves, mais nous impose aussi d’évaluer le degré d’objectivité dont sont capables les différents éditeurs.

C’est possiblement dans un souci de vulgarisation des savoirs (nécessaire) que les ouvrages qu’on propose aux élèves de nos écoles sont, dans certains cas, partiellement dépourvus de sources. Ils présentent un savoir qui a tous les apparats de ce qu’est une vérité unique et absolue (absence d’attribution des propos aux historiens dont ils tirent leurs origines, monocausalité, unicité de point de vue) alors que l’histoire est une science sociale qui se doit d’être hautement critique face à son objet d’étude. Les défis liés à la transposition didactique sont à la fois complexes et subtils. Comment rendre aux apprenants de premier et deuxième cycle l’apprentissage accessible, attrayant et engageant sans le dénaturer d’un point de vue scientifique ?

Par ailleurs, comme le stipule (nt) Éthier (et le CCERD par l’entremise de ses critères d’évaluation), il nous faut nous questionner sur l’espace qu’occupent les différentes réalités historiques qui y sont présentées en fonction des visées du PFÉQ et aussi de la façon dont ces manuels proposent de les étudier. Actuellement, les différentes maisons d’édition semblent avoir pris un virage qui propose aux élèves des démarches plus actives et constructivistes (une nécessité pour l’obtention de leur approbation). Les manuels récents semblent donc vouloir répondre aux objectifs par compétence en proposant des démarches et des mises en situation qui sont plus en résonnances avec celles que sont l’interrogation, l’interprétation et le développement de la conscience citoyenne en HEC.

Ce que ce billet veut soulever, c’est l’importance de porter un regard d’historien et de didacticien sur le matériel qu’on emploie en classe, car le choix n’est pas anodin. La construction des conceptions chez nos élèves est d’une part un processus conscient et une mécanique subtile qui se moule autour de ce que véhiculent les outils de savoir manipulés (d’où l’importance de travailler au développement de leur esprit critique). Il me semble donc tout à fait avisé, pour un enseignant d’univers social, de prêcher par l’exemple en faisant à lui aussi preuve d’un esprit d’analyse méticuleux des outils auxquels il a recours.

(1) Document 2012-2013 du CCERD

(2) ÉTHIER, Marc-André, « Analyse comparative des activités et contenus des ouvrages scolaires ». Canadian Journal of Education, 2006, p. 650 à 683.

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