Suite à la publication de mon dernier billet sur Civilization, j’ai eu le plaisir d’échanger avec d’autres didacticiens qui avaient des questions sur l’expérience que j’avais vécue. Ces questions étaient non seulement pertinentes, mais elles m’ont surtout fait réaliser que pour quelqu’un qui tentait de conceptualiser la nature de l’activité pédagogique sans connaitre Civilization, il était difficile de s’y retrouver. Je reprends donc en partie des échanges que j’ai eus avec Gabriel Tétreault et Marc-André Lauzon pour enrichir la compréhension de ceux qui seraient intéressés par ma démarche d’enseignement-apprentissage de l’histoire à l’aide de Civilization.

Q : Pourquoi Civilization et pas un autre jeu historique sur la même période?

R : J’avais entendu parler de leur scénario sur la chute de Rome et j’avais un intérêt. J’ai donc fait une analyse de contenu avec un collègue à la maitrise et j’ai vu le potentiel du jeu. J’aimerais cependant préciser que j’aurais très bien pu le faire avec un autre jeu. Le choix est un peu circonstanciel, à défaut de trouver un meilleur mot.

Q : Tu as fait une demande pour 10 jeux, j’imagine pour 10 élèves. Avec les classes au secondaire d’une trentaine d’élèves, comment as-tu fait ta sélection d’élèves?

R : Sur une base bénévole. J’ai priorisé ensuite les plus bas résultats (mes élèves les moins motivés). Je voulais leur donner l’occasion d’apprendre en dehors des paramètres de la classe traditionnelle.

Q : Comment était ton ratio garçon/fille? As-tu remarqué une différence d’intérêt entre les garçons et les filles?

R : Plus de volontaires gars. Finalement j’ai eu 9 gars 1 fille, car les autres filles étaient des performantes, elles ont donc été « discrimées » parce qu’elle réussissait déjà bien dans un contexte d’apprentissage classique.

Q : As-tu fait une partie sociale où tous tes élèves étaient dans la même partie ou chacun avait sa partie pour faire le test?

R : Chacun sur son poste, car lorsque tu fais un scénario (donc avec une histoire contrairement a une partie libre qui est sans histoire) tu ne peux pas jouer en multijoueur.

Q : D’accord. Est-ce que tu crois qu’une interaction sociale dans le jeu entre les élèves aurait pu bonifier la situation d’apprentissage?

R : Si ça avait été dans mes intentions d’apprentissage oui, mais je visais autre chose.

Q : Quels sont les objectifs du scénario? Que doivent faire les élèves pour gagner la partie?

R : Ils doivent faire plus de points que les autres civilisations. Pour y parvenir, ils peuvent développer leur civilisation (dans ce cas-ci, ils ont déjà un Empire, donc ils doivent bien l’administrer), remporter des victoires militaires, tisser des alliances, développer leur culture ou tenter de s’enrichir. Néanmoins, la Chute de Rome est un scénario. Le jeu impose donc des contraintes pour compliquer la vie du joueur et, au final, on se rend compte que le jeu tente de restituer l’histoire selon une certaine perspective en limitant le pouvoir d’action du joueur (la fin de l’Empire est presque inéluctable).

Q : Plus précisément, quels concepts as-tu travaillés avec les élèves?

R : Au niveau des concepts de substance (les concepts liés à la matière), j’ai travaillé le concept de « barbare » et celui de « Chute de l’Empire romain ». Au niveau procédural, je voulais qu’ils développent une meilleure compréhension de la causalité et un regard sur l’altérité (le rapport à l’autre). J’espérais aussi, ultimement, qu’ils soient capables, de porter un regard critique sur le récit que proposait le jeu.