Ce billet a été rédigé originalement sur le site THEN/HiER par Alexandre Joly-Lavoie.
Les représentations populaires de l’histoire, qui émergent de l’histoire-profane, connaissent aujourd’hui une popularité inégalée. Ces outils culturels (Swidler, 1986) n’ont jamais été aussi accessibles, notamment grâce à la multiplication d’écrans en tout genre (tablettes, téléphones « intelligents », etc.) et aussi parce qu’ils adoptent une variété de formats (films de fiction, documentaires, série télévisée, jeux vidéo, etc.) qui permet à tous de trouver son compte. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant, alors que les jeunes Canadiens passent parfois plus de temps devant un écran que sur les bancs d’école (Paré, 2015), de constater l’émergence de représentations initiales, chez les élèves, qui viennent entrer en conflit avec l’histoire scolaire présentée par les enseignants (Dalongeville, 2001; Wertsch, 1997). Il semble donc pertinent de réfléchir sur la relation que l’histoire entretien avec la fiction (à l’origine de l’histoire profane) et comment il est possible de détourner les objets culturels dans l’enseignement de l’histoire à l’école.
Relation entre histoire-profane et histoire savante
L’histoire savante se reconnait par l’usage de marques d’historicités (notes de bas de page, citations, etc.) qui témoignent du travail accompli par l’historien et permettent à d’autres experts de contre-vérifier et de critiquer l’interprétation proposée (Pomian, 2000; Veyne, 1971). L’histoire-profane – au sens de non-initié à une science et non comme une opposition à ce qui est sacré – s’emploie à camoufler les trous dans la narration, afin d’entrainer le récepteur dans la fiction qu’elle propose (Pomian, 2000). Ainsi, la fiction historique peut se définir de différentes façons, mais retenons qu’il s’agit d’un récit, qui peut faire usage de la fantaisie (par exemple, le voyage dans le temps), mais s’ancrant dans un passé « réel » (il importe, par exemple, que les objets utilisés par les personnages du récit soit « historiquement conformes » à la période décrite par l’auteur) et où il y a une absence de marques d’historicités (Clark, 2002; den Heyer et Fidyk, 2007). Alors qu’il serait aisé de réduire la relation entre histoire savante et histoire-profane à une opposition, il est intéressant de l’envisager plutôt sous un angle dialectique.
D’une part, la fiction s’inspire généralement de faits avérés (« historiques ») pour conférer un « enrobage » réaliste à sa représentation et d’autre part il n’est pas exclu que l’éclairage nouveau et différent de la fiction encourage la reprise du travail scientifique sur un événement donné, menant ultimement à la création de nouvelles connaissances (Pomian, 2000). En ce sens, il semble impératif de considérer tout autant l’histoire savante, transposée dans l’histoire scolaire puis dans le curriculum (Chervel, 1988) que l’histoire-profane pour l’enseignement de l’histoire. [pour la suite, cliquez ici]