Non.
D’ailleurs, le titre de l’article est un piège. Comme l’indique la loi des titres de Betteridge, tout titre se terminant par un point d’interrogation peut être répondu par la négative (bon… peu scientifique, mais j’aime cette loi).
Ceci étant dit, la question se pose. Le 27 octobre 2014, Radio-Canada titrait : « Plus d’élèves par classe pour aider les élèves en difficulté ». L’article se basait sur l’avis d’un chercheur de l’Université de Laval, Édige Royer, qui proposait d’ajouter un ou deux élèves par classe pour dégager quelques centaines de millions de dollars qui pourraient être réinvestis dans les classes d’adaptation scolaire. L’idée en soi n’est pas mauvaise, car elle propose une solution « du moins pire » dans un cadre d’austérité budgétaire.
Conséquemment, nous apprenions ce matin via la Presse qu’il fallait s’attendre à une hausse du ratio maitre-élèves dans les classes. Selon la Presse, les mesures que s’apprête à mettre sur la table notre gouvernement libéral prévoient une augmentation du nombre d’élèves, un gèle salarial de deux ans et une coupe dans les congés de maladie des employés de la fonction publique.
Actuellement, comme c’est toujours le cas d’ailleurs, l’argumentaire libéral est principalement comptable, comme l’était l’avis de monsieur Royer qui proposait de s’accommoder au contexte d’austérité budgétaire. La question devrait plutôt se poser en terme éducatif. Ce dont nous devrions débattre, c’est de l’impact d’une telle mesure sur notre système scolaire.
Selon une revue de recherches concernant les retombées relatives à la diminution du nombre d’élèves par classe effectuée en 2008 (en pièce jointe), les premiers à être affectés par une augmentation ou une diminution du nombre d’élèves par classe sont les enseignants. La qualité de vie au travail des enseignants est directement affectée par le nombre d’élèves qu’ils ont à leur charge, car celle-ci a des impacts sur la gestion des groupes, la planification des activités ainsi que la correction des examens et travaux. Considérant l’épuisement professionnel qui affecte une partie du corps enseignant et l’augmentation de la tâche enseignante au cours des dernières décennies (voir Tardif, 2013), l’augmentation du nombre d’élèves par classe n’est pas une bonne nouvelle.
Par ailleurs, bien qu’il n’y a pas unanimité quant à l’impact d’une diminution de la taille des groupes, plusieurs recherches indiquent que des groupes plus petits permettent aux enseignants de porter davantage d’attention aux besoins particuliers des élèves et de fournir une rétroaction riche à ceux-ci (l’une des pratiques pédagogiques les plus déterminantes dans l’apprentissage selon la célèbre méga-analyse de Hattie). De plus, la taille des groupes aurait un effet sur le développement personnel et social des élèves. Plus les groupes sont petits, plus ils favorisent le développement socioaffectif des élèves. Il semblerait donc que la diminution de la taille des groupes ait un effet sur le succès scolaire, à condition que cette mesure soit accompagnée de formation continue ciblée sur l’apprentissage en contexte d’enseignement en petit groupe. La diminution du nombre d’élèves permettrait aux enseignants de mettre davantage en application les résultats des recherches en sciences de l’éducation des dernières décennies.
D’ailleurs, selon les enseignants, la diminution du nombre d’élèves par groupe permettrait d’approfondir davantage la qualité des apprentissages. Les recherches ne démontrent pas une augmentation quantitative dans l’apprentissage, mais plutôt une amélioration qualitative. Si les pratiques enseignantes ne semblent pas systématiquement changer en fonction de la taille des groupes, une politique de réduction du nombre d’élèves par classe offrirait tout au moins la possibilité d’y parvenir sans provoquer d’épuisement professionnel et d’amorcer, conjointement avec une offre de formation continue adaptée plus grande, un renouvèlement des pratiques pédagogicodidactiques.
Chose certaine, la diminution de la taille des groupes offrirait aux enseignants des conditions de travail plus propices au succès scolaire. Elle offrirait aussi la possibilité de mieux supporter l’apprentissage et le développement des élèves, ce que ne permet pas l’augmentation du nombre d’élèves ainsi que la surcharge des tâches enseignantes. Néanmoins, le nœud de la guerre, c’est l’argent. L’implantation d’une politique de diminution du nombre d’élèves par classe couterait cher. Elle nécessiterait l’ouverture de nouvelles classes, l’embauche de nouveaux enseignants ainsi que des investissements en formation continue. Dans cette course à l’atteinte du déficit zéro, il n’est pas étonnant que ce qui charme le gouvernement Couillard soit plutôt une augmentation du nombre d’élèves pour éviter d’admettre la nécessité d’investir plus d’argent en éducation.
Revue des recherches concernant la diminution du nombre d’élèves par classe