Et puis, Monsieur, il y aura beaucoup de devoirs à faire la maison ? Oui, non, un peu, à condition que…

Rentrée scolaire 2015.

En septembre, après la traditionnelle réunion d’information pour les parents (qui prend plus l’allure d’une parade précédant l’arrivée d’un cirque en ville), je m’installe dans un coin de la cafétéria pour quelques discussions informelles avec les parents de mes élèves.

 Et puis, Monsieur, il y aura beaucoup de devoirs à faire la maison ?

Il y a de ces questions qui nous prennent au dépourvu ; on bredouille, on improvise, même, et on finit par livrer une réponse plus ou moins cohérente.

Oui, non, un peu, à condition que…

J’avoue entretenir un préjugé plutôt négatif envers les devoirs à la maison, mais c’est là une vision strictement personnelle de cette pratique pédagogique, basée uniquement sur ma propre expérience comme élève d’abord, comme enseignant ensuite, et enfin, comme parent d’un enfant d’âge préscolaire qui se demande où il pourra bien trouver le temps pour accompagner sa fille dans ses apprentissages.

Mais, qu’en est-il vraiment ? En tout bon scientifique que je m’applique à être, il me semble nécessaire de consulter la recherche. C’est ici qu’apparait sur mon fil Twitter une étude de M. Karsenti sur le rôle d’Allô prof dans la réussite scolaire des élèves[1] et par conséquent sur l’importance des devoirs scolaires à la maison.

Et puis, la recherche ?

L’auteur note d’entrée de jeu que : « les recherches montrent clairement l’impact positif des devoirs scolaires sur la persévérance et la réussite, en particulier si une aide est fournie (p.13). » En effet, il est incontestable que plus un élève investit de temps sur une notion, plus fortes sont ses chances de voir s’améliorer sa compréhension de celle-ci, alors cette conclusion est loin d’être une surprise. On lit aussi chez quelques auteurs que « les devoirs scolaires au secondaire seraient même le plus important facteur explicatif de la réussite scolaire des élèves. »

 Donc, la réponse est oui.

Mais pas si vite. Pour que les devoirs s’avèrent réellement efficaces, il faut que les élèves aient accès à de l’aide au besoin et il semblerait que cette dernière fasse souvent défaut. En effet, 86 % des élèves interrogés dans le cadre de l’étude de M. Karsenti ont indiqué en avoir besoin à un moment ou à un autre, notamment en mathématiques et en français. Il est intéressant de constater qu’il s’agit de matières dans lesquelles les exercices à faire sont de nature répétitive. Nul jugement péjoratif ici ; les enseignants estiment avec raison que les élèves doivent apprendre à appliquer une règle dans plusieurs situations différentes afin de pouvoir bien l’assimiler. Imaginons par exemple un élève face à une dizaine d’exercices à compléter sur les accords du participe passé (ah ! ce fameux participe) et qui éprouverait des difficultés au point de se trouver bloqué au premier ou même au deuxième exercice : il perdrait certainement toute motivation et il y aurait de fortes chances qu’ainsi privé des conseils d’un guide, il n’ait d’autre option que d’abandonner la tâche. Bref, pas très utiles ces devoirs à réaliser seul à la maison.

Donc, non, pas de devoirs.

Mais les devoirs c’est bien, non ? On vient justement de démontrer qu’ils sont essentiels à la réussite et à la persévérance. Alors, par quel moyen peut‑on apporter du soutien à distance pour conforter l’engagement de l’élève face à la tâche ? Il m’apparait que les TIC doivent faire partie du coffre à outils des enseignants pour leur donner la possibilité d’accompagner les élèves de la salle de classe jusqu’à la table de la cuisine familiale.

Selon plusieurs auteurs, les devoirs auraient des impacts sur trois aspects : cognitif, affectif et comportemental. Il importe que les devoirs visent à améliorer la quantité et la qualité des apprentissages des élèves, que ceux‑ci trouvent les tâches intéressantes et qu’ils soient motivés. « En résumé, il semble que les devoirs soient plus efficaces et favorisent davantage la réussite dans la mesure où ils sont intéressants et pertinents et où ils ont un sens aux yeux des élèves. »

 Donc, oui, à condition que…

Le rôle de l’enseignant ne s’arrête donc pas à transcrire les devoirs et les leçons au tableau et espérer que les élèves les réalisent (en brandissant la menace) sans les copier (en gaspillant un temps précieux à tout corriger et vérifier), mais tend également à assurer une continuité concrète entre le travail effectué en classe et celui à faire à la maison. Par conséquent, c’est préférablement au moment où l’élève s’installe à la table de la cuisine que l’enseignant doit être en mesure de mettre à sa disposition les ressources qui stimuleront son développement cognitif, affectif et comportemental.

D’abord, en ce qui a trait à l’impact cognitif des devoirs, je tente, dans ma pratique, de miser sur deux éléments : des ressources appropriées et rapides à consulter, et la rétroaction. Pour commencer, j’utilise des capsules vidéos et des ressources de la bibliothèque virtuelle de Allô prof de manière à ce que les informations soient aisément accessibles et dans un format que les élèves peuvent déjà saisir. Je dépose donc sur ChallengeU, des vidéos créées avec des applications (Explain everything, iMovie ou Quick Time pour la saisie d’écran) effectuant un survol des concepts importants tout en mettant l’accent sur les éléments de la matière qui pourraient poser problème. Ensuite, je mise sur la rétroaction, car sur ChallengeU, l’élève peut savoir instantanément s’il a tort ou raison.

Pour ce qui est de l’aspect affectif, j’ai aussi recours à la rétroaction. Les élèves adorent voir apparaitre un petit crochet vert auprès de leur réponse et cela les motive à poursuivre. En plus, je prends quelques minutes pour inscrire des commentaires positifs de façon à favoriser l’aspect social et d’interaction des devoirs à la maison. En d’autres mots, l’élève n’est plus seul et ne peut que constater que pour son enseignant, sa réussite scolaire est quelque chose qui lui tient à coeur. J’ai eu par ailleurs l’agréable surprise de voir mes élèves commenter les tâches, souvent positivement… rien de plus valorisant pour un enseignant qu’un merci bien senti de la part d’un élève, même virtuel!

Enfin, quant à la motivation, je pense qu’il est essentiel pour un enseignant de limiter le temps que les élèves consacreront aux devoirs, de bien contextualiser les tâches et de mettre en place un système d’émulation. Pour ce faire, je m’efforce de remettre des devoirs qui nécessiteront tout au plus entre 15 et 30 minutes de travail. Cela peut paraitre peu, mais les élèves du secondaire ont plusieurs devoirs à faire chaque jour et ces derniers peuvent rapidement devenir chronophages. Je précise toujours le but visé par le devoir et tente de mobiliser dès le cours suivant les notions qui y ont été abordées. À ce sujet, j’adore les concepts de classe inversée et d’apprentissage hybride dont j’ai déjà traité ici. En terminant, bien qu’à l’école un système pour la gestion des devoirs non faits soit déjà en place, j’ai quand même décidé d’ajouter une couche d’émulation en les intégrant à Classcraft (dont ledidacticien.com a déjà parlé ici et ici). Tous ces éléments feront en sorte, je l’espère, de faire grandir la motivation intrinsèque et extrinsèque des élèves.

Et alors ?

Oui aux devoirs scolaires à la maison, mais à condition qu’ils « ne demandent pas trop de temps aux élèves […], ne soient pas trop ou pas assez difficiles […], que les élèves aient de l’aide, les ressources et le contexte […], et permettent à l’élève de développer une plus grande autonomie (p.17) ».

Un idéal ? Une utopie ? Ou votre réalité ?

[1] Karsenti, T. (2015). Quel est le rôle d’Allô prof dans la persévérance et la réussite scolaire des élèves? Étude auprès de 6659 acteurs scolaires (élèves, enseignants, directions et parents). Rapport synthèse de recherche. Montréal, QC : CRIFPE

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